La Jaguar XJR-S 6 litres

JAGUAR XJR-S  6 litres

LA ROYAL ''R'' FORCE

La XJS a connu une carrière exceptionnellement longue :

21 ans au compteur. Une longévité hors norme pour celle qui fut, malgré elle, l'héritière de l'emblématique Type E.

Durant ces deux décennies, de nombreuses variantes sont apparues, dont la plus désirable demeure sans contexte la volcanique XJR-S. Une Jaguar survitaminée qui a su redonner quelques couleurs au V12 vieillissant.

Luxe, calme, célérité

En septembre 1975, la nouvelle Jaguar XJS entre en scène avec pour vocation de succéder à une véritable icône : la Type E. Autant dire que l'objectif relève de la mission impossible. Car la nouvelle venue ne semble pas chasser sans la même cour.

Malgré une silhouette tendue, basse et élancée, le style quelque peu impersonnel du coupé XJS lui vaut d'être rapidement surnommée la ''Camaro de Coventry'', de fait, ses épais pare-chocs et son gabarit XXL (près de 4,80m de long) laissent deviner sa destination prioritaire : le marché américain.

A cela s'ajoute une offre initialement limitée au seul coupé, livré exclusivement avec le vorace V12  5,3 litres (accouplé à une boîte automatique à trois rapports), et une finition peu conforme à l'image qu'on se fait encore d'une Jaguar de haut de gamme.

La planche de bord recouverte de garnitures synthétiques et affublée de surcroît de vulgaires compteurs à rouleaux n'apparaît effectivement pas digne du statut de cette ambitieuse GT. Mais, pour l'industrie automobile dans son ensemble, l'époque est celle de tous les renoncements. En moins de deux ans, la première crise ''énergétique'' a fait son œuvre : le marché des voitures de sport est l'un des premiers touchés par cette vague de fond qui remet en cause bien des positions acquises. Embarquée malgré elle dans la pathétique aventure du groupe British Leyland, récemment nationalisé, la firme Jaguar y laissera plus que son âme : sa raison d'être.

Au point de terminer les années 70 au bord du gouffre. Projet né de la cogitation d'un ''comité'' anonyme, la XJS reflète bien l'ambiance de cette décennie perturbée, surtout dans sa première mouture. Mais, quoi qu'on en dise, elle va se bonifier au fil des ans, au point de gagner en respectabilité, en légitimité et en fiabilité. Il faudra du temps, toutefois, pour que la mutation de ce ''big cat'' suscite enfin l'intérêt des nostalgique de la Type E.

RENAISSANCE

La nouvelle équipe mise en place par John Egan (l'homme qui sauvera Jaguar une première fois en 1979) va tout d'abord s'efforcer de rendre le V12 moins gourmand (tout est relatif) mais aussi moins caractériel et un peu puissant en lui greffant une culasse plus efficiente et un système d'injection ''moderne'' au début des années 80 (c'est la génération HE), tout en soignant d'avantage l'emballage, à grand renfort de chromes et de boiseries affriolantes. Puis l'offre de versions s'élargit sensiblement. Un tout nouveau 6 cylindres 3,6 L (type AJ6) vient enrichir le catalogue en 1983 et fait rapidement valoir ses avantages au quotidien par rapport au volumineux V12 : consommation diminuée de près de 50% en ville, couple appréciable, fiabilité en net progrès, etc. La même année une version semi-décapotable (XJ-SC) apparaît aux côtés du coupé classique, une première étape en attendant la présentation, cinq ans plus tard, d'un véritable cabriolet disponible avec le 6 cylindres ou le V12, au choix . De quoi relancer durablement les commandes, celles-ci se reportant peu à peu sur la version ''basse'' dotée du moteur AJ 6. Entre-temps, la concurrence n'a pas chômé, il est vrai. La moderne Porsche 928, née en 1977, n'a cessé d'évoluer dans l'intervalle, pour son plus grand profit et celui de ses inconditionnels, tandis que la BMW 6.35 CSI a elle aussi repoussé très loin les limites de la ''formule'' tant en terme de brio que d'agrément de conduite. Quant à Mercedes, son coupé 560 SEC apparaît lui aussi comme une nouvelle référence dans le segment étroit des coupés de prestige à hautes performances. Il n'est donc pas question pour Jaguar de laisser les choses en l'état.

DES RACINES ET DES AILES

Pour jouer dans la cour des grands, Jaguar doit donc envisager de développer une variante sportive de sa XJS dont les performances n'ont guère progressé depuis ses débuts en 1975. Le succès de la version retravaillée par TWR au championnat d'Europe de Tourisme  en 1984 peut heureusement laisser penser qu'il existe une bonne marge de développement. C'est d'ailleurs au même Tom Walhinshaw Racing que Jaguar devra la victoire de son prototype XJR-9 aux 24h du mans 1988. Un triomphe qui ne peut qu'inciter la branche Jaguar Sport à prolonger ce partenariat en confiant à TWR le projet d'un coupé XJS à hautes performances.

C'est chose faite en août 1988, une première mouture de ka XJR-S étant dévoilée à cette date. En l'espèce, il s'agit surtout d'une petite série promotionnelle (on parle d'une centaine d'exemplaires produits) mise en fabrication très peu de temps après la victoire de Jaguar au Mans. Cette version ''préliminaire'' ne sera d'ailleurs pas distribuée en France. La base mécanique retenue est le V12 5,3 litres dont la puissance reste inchangée (295 chevaux), les modifications apportées portant surtout sur les liaisons au sol, avec l'adoption de nouvelles suspensions plus fermes, destinées à limiter la prise de roulis (amortisseurs à gaz Bilstein spécifiques, ressorts renforcés, garde au sol abaissée) et de pneus plus larges et plus bas. La direction assistée gagne dans l'opération en fermeté, et en précision, tandis que le freinage, toujours assuré par 4 disques ventilés se voit greffer un ABS, au grand dam de certains conducteurs qui le jugeront un peu trop intempestif. Extérieurement, le coupé R affirme sa différence de manière assez démonstrative en recevant un spoiler avant très menaçant, des bas de caisse profilés, mais aussi des jantes alliage de 16 pouces au dessin inédit et des pare-chocs traités dans la teinte de la carrosserie.

Le coffre arrière se voit surmonté pour sa part d'un volumineux aileron tout droit sorti du catalogue d'accessoires que TWR propose depuis quelques années déjà pour la XJS.

POUR LE PLAISIR

L'année 1989 est marquée par le rachat de la firme Jaguar qui dans tombe dans l'escarcelle du géant américain Ford. Lequel décide dés l'année suivante d'une remise à niveau progressive de toute la gamme existante. La XJS sera du lot, même s'il s'agit en l'occurrence de faire du neuf avec du vieux. Dans l'intervalle, la version R a été reconduite, mais cette fois, les spécialistes de TWR se sont concentrés sur le V12 dont la cylindrée grimpe à 6 litres, ce, au bénéfice du couple (48,5 m.kg à 3700 tr/min), tandis que la puissance fait un bond tranquille en passant le cap des 300 chevaux (308 chevaux précisément).

Une révolution bien timide a priori, mais la nouvelle XJR-S 6 litres est toutefois bien accueillie par la presse spécialisée qui la juge convaincante par son équilibre et son agilité, malgré son poids élevé dépassant les 1800 kilos.

Moins cher que le coupé BMW 850 Ci ou le coupé Mercedes 560 SEC, la Jaguar soutient aisément la comparaison en performances et en agrément de conduite. Vouée à une diffusion confidentielle (la différence de prix par rapport à une XJS V12 atteignant tout de même près de 100 000 F (15000 euros), la XJR-S connaîtra encore quelques évolutions de détail en 1991. Comme le reste de la gamme XJS, le profil gagnera ainsi en élégance en recevant des glaces de custode plus arrondies et une poupe au dessin adouci, aini qu'un bandeau courant sur toute la largeur du coffre et englobant les feux arrière, eux aussi redessinés. Par la même occasion, le V12 profitera d'un surcroît de puissance fort bien venu, en affichant désormais 333 chevaux et un couple de 50 m.kg (grâce à un vilebrequin différent et des pistons signés Cosworth), ce bonus étant accessoirement destiné à compenser la présence d'un pot catalytique. Cette ultime définition du modèle tiendra au catalogue jusqu'en août 1993, date à laquelle la XJS récupèrera à son tour le V12 6 litres (en coupé et cabriolet) dans une variante ramenée à 318 chevaux. Deux ans plus tard, la gamme XJS est définitivement arrêtée après une carrière étalée sur deux bonnes décennies.

LA COTE

Vendue plus de 500 000 francs (75 000 euros) au début des années 90, se négocie aujourd'hui à moins de 30 000 euros en parfait état, à condition d'en trouver une : quelque 390 exemplaires auraient été diffusés avec le V12 6 litres. Dont quelques dizaines seulement recensées en France.

Si les XK-R ultérieures ont poussé le jeu plus loin encore, la XJR-S demeure en tout cas une belle référence vingt ans après ses débuts remarqués. Un choix de connaisseur qui donne envie d'intégrer au plus vite la Royal '' R '' Force….


Remerciement chaleureux à Thomas RIAUD pour son article, extrait du magasine RETRO VISEUR n° 253 de février 2010 en vente actuellement.


Quelques photos de la XJR-S 6 litres










23/02/2010
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